Je ne sais plus qui m’en a parlé, ni à quel endroit j’en ai entendu parler… mais, si jamais, je remercie cette personne. “Warhol Invaders” est un OLNI (Objets Littéraires Non Identifié), encore un, paru chez un petit éditeur (Les Moutons Électriques) dont le Pitch autant que la couverture m’ont intrigués et m’ont convaincu d’en tenter la lecture.
Et si ? Et si l’informatique était devenue réellement grand public dès la fin des années 60, sous l’égide d’Andy Warhol ?
Ce roman se découpe en quatre parties :
- Ça commence en 1967, un couple de bricoleurs, Susan Gefford et Ralph Schaltung, ont une idée un peu folle, des machines qui seraient connectées en réseau. Pour se donner les moyens de donner vie à leur projet, ils le présentent à Andy Warhol, pape du pop art et de la contre-culture américaine.
- Cinq ans plus tard, au début des Années 70, on retrouve Susan dans la campagne Tourangelle et on comprends que les « Warhol Box » sont devenues une réalité, et même une réalité incontournable et un succès incontestable. Ralph a opéré un tournant "technologique" mais Susan, elle, est restée fidèle à ses idéaux et cherche à maintenir le système le plus ouvert possible.
Cette partie a des faux-airs de polars puisque c'est un gendarme qu'on suit, à qui sa hiérarchie commande une opération anti-hippies (les ordre viennent de très haut) et qui est bien étonné, et embêté, de ne trouver finalement que quelques bricoleurs, passionnés, certes, mais bien loin d'être des hippies. - 1974, les élections présidentielles étasuniennes approchent. Susan est devenu l'éminence grise d'une candidate démocrate à l'investiture.
Cette fois-ci, nous suivons un journaliste embarqué dans la convention démocrate. - Enfin, novembre 1980, on retrouve Susan à Sioux City. Elle est devenue une sorte de gourou au centre d'un projet et d'une communauté œuvrant à la création d'un système d'exploitation libre et ouvert.
Quatre parties très différentes. J’ai été intéressé par la première partie, quelque peu déconcerté et même un peu perdu par la deuxième… mais carrément happé par les deux suivantes (la troisième est ma préférée !). Malgré ces différences d’appréciation, je ne peux que saluer cette construction, étonnante mais finalement particulièrement efficace.
Susan sert de fil rouge mais n’est finalement qu’un artifice pour lier l’ensemble. Andy Warhol lui-même se trouve être également un personnage secondaire. Finalement, le cœur du roman, et tout son intérêt, c’est cette réflexion sur ces 2 mouvements antagonistes : vision “entrepreneuriale”, et fermée, d’un coté, vision utopique, et libre, de l’autre. C’est très réussi et ces quelques années de décalage avec l’internet que nous connaissons permettent de s’interoger sur ce qu’aurait donner internet inventé quelques années plus tôt à une époque de la contre-culture des années 70. Ces deux visions qui s’opposent m’ont fait penser à La Cathédrale et le Bazar et on imagine très bien Susan signer La déclaration d’indépendance du cyberspace en lieu et place de John Perry Barlow.
Alors, oui, je dois dire que j’ai beaucoup aimé ce roman. C’est une uchronie brillante (j’adore les uchronies, je vous l’ai déjà dit ?), pleine de bonnes idées et vraiment originale. C’est intriguant, passionnant autant qu’inclassable. Bref un OLNI que je vous engage à savourer.
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